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31 mai 2018

44 km de clôture pour se protéger des chats, en Australie

par Agnès Faessel

Temps de lecture  3 min

Dans la réserve Newhaven du centre de l'Australie, la clôture érigée n'a pas pour objectif d'empêcher la faune sauvage de sortir, mais leurs prédateurs d'entrer (cliché  AWC).
Dans la réserve Newhaven du centre de l'Australie, la clôture érigée n'a pas pour objectif d'empêcher la faune sauvage de sortir, mais leurs prédateurs d'entrer (cliché  AWC).
 

Une barrière anti-chats. C'est la solution radicale et singulière choisie en Australie pour protéger la faune sauvage en danger de ces grands prédateurs : les chats sauvages. Ces félins représentent une véritable problématique vis-à-vis de la préservation de la biodiversité en Océanie. Ils seraient déjà responsables de l'extinction d'une vingtaine d'espèces de petits mammifères depuis leur introduction dans ces contrées.

L'Australian Wildlife Conservancy (AWC), organisme privé dédié à la conservation de la faune et la flore sauvage australienne, a donc décidé de leur condamner l'accès à tout un territoire au cœur de sa réserve naturelle de Newhaven, en l'entourant d'une gigantesque clôture.

En 2015, le gouvernement australien avait annoncé l'adoption d'une série de mesures pour le contrôle des populations de chats sauvages dans le pays, comprenant notamment un plan d'abattage massif de ces animaux (voir LeFil du 7 août 2015).

Un « sanctuaire » de 10 hectares

Newhaven est une large réserve de 260 ha au centre de l'Australie. Et une zone de près de 10 hectares, baptisée le sanctuaire Newhaven (Newhaven Wildlife Sanctuary), y est donc intégralement clôturée depuis quelques semaines. Une haute barrière grillagée, double et en partie électrifiée, a été déroulée le long de ses 44 km de périmètre. Un chantier considérable qui a nécessité 130 km de grillage, 400 km de câble et 8 500 piquets…

Les chats sauvages ne peuvent donc plus entrer chasser. Et ceux vivants dans la réserve ou alentours – ainsi que les renards, autres prédateurs de petits mammifères – sont traqués. Il ne s'agit que d'une première étape : le projet est d'élargir le sanctuaire pour préserver à terme une région couvrant 65 000 ha.

L'AWC explique son action par l'effet dévastateur des populations de chats sauvages, initialement importés lors de la colonisation du territoire et dont les effectifs se sont progressivement démultipliés. Ces animaux consommeraient chaque jour un million d'oiseaux, plus d'un million de reptiles et plus d'un million de petits mammifères. Ce qui met en danger de nombreuses espèces vulnérables natives de l'île, par exemple le numbat (Myrmecobius fasciatus), un fourmilier marsupial. « Il est urgent de prendre des mesures pour protéger et restaurer les populations de notre faune sauvage la plus vulnérable et trouver une solution à la crise des chats sauvages », martèle l'organisme.

Selon lui, cette espace protégé mettra à l'abri au moins 11 espèces de petits mammifères menacées. Et une dizaine d'autres, déjà éteintes localement, seront réintroduites à l'exemple du mala (Lagorchestes hirsutus), un petit wallaby, et prochainement le bilby (Macrotis lagotis) et le boodie (Bettongia lesueur), deux petits marsupiaux.

La clôture du sanctuaire a fait la Une du dernier numéro de l'édition du week-end du quotidien The Australian.

Le magazine y consacre un article de 6 pages (en anglais) sur la problématique des chats errants (en Australie et en Nouvelle-Zélande), les démarches de sauvegarde des espèces menacées, leurs résultats et les perspectives à venir. Il est disponible en téléchargement à la rubrique ‘En savoir Plus'.

Des chats OGM

Outre le piégeage et l'abattage des chats, l'AWC contribue au lancement d'un programme de recherches controversé sur le recours à des chats génétiquement modifiés pour éradiquer leur présence en Australie. Ces chats ne deviendraient pas stériles mais ne produiraient qu'une progéniture de sexe mâle, porteuse du gène modifié. Un effet qui aboutirait naturellement à l'extinction de l'espèce à mesure des générations. Ces recherches sont un projet du CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation). Dans un autre article du The Weekend Australian encore, il est expliqué que si la technique se révèle efficace, elle pourrait être déclinée à d'autres espèces « invasives » : renard, lapin, carpe, crapaud. Et il est évoqué – sans doute comme argument contre les détracteurs de tels travaux – que la piste des modifications génétiques fait déjà l'objet de recherches chez le moustique dans le cadre de la lutte contre le paludisme.